dimanche 7 décembre 2008

RICHARDS, Phil

Phil Richards est né à Scarborough (Toronto) en 1951, où il vit et travaille toujours. Gradué avec son AOCA en 1973 du Ontario College of Art, il n'a cessé de travailler en tant qu'artiste visuel depuis plus de trente-cinq ans avec à son actif maintes expositions solos et de groupe au Canada et aux États-Unis. Dans les années '80, il devint connu pour ses toiles où les travaux des grands maîtres étaient juxtaposés avec des portraits d'amis et de famille, permettant ainsi au témoins d'être inclus dans l'esplièglerie du propos humoristique. La capacité d'utiliser des références clefs de l'histoire de l'art et de les personnaliser intimement est devenu sa marque de commerce. Excellent portraitiste, ses tableaux débordent de vie et de tissus qui invitent à se faire toucher et lorsqu'on les place sur des murs plats riches de détails graphique, ils augmentent le sentiment d'un espace ambigü. Phil Richards a complété plusieurs commandes de murales à Toronto et Ottawa, et une en Allemagne qui incluait le portrait de 187 personnalités publiques. Ses travaux font partie de collections publiques et privées.

Cet espace architectural est intéressant: ouvert, aéré, relax, luxe minimaliste et cultivé. Cela me rappelle une rencontre qui m'a profondément marquée. Un vieil homme m'a pris en stop une veille de Noël. Il avait fait trois heures de route en plein hiver pour bénéficier d'une vente de bulbes de glaïeuls: il y en avait cinq cents sur les sièges arrières de sa voiture. Moi qui adore les glaïeuls, je n'avais jamais vu autant de bulbes de ma vie! C'est sur son chemin de retour qu'il avait diligemment arrêté pour me prendre. Il faisait beau mais froid. Il m'offrit de prendre le thé chez lui le temps de déposer ses bulbes et de me faire voir son domaine, puis il m'accompagnerait jusqu'à ma destination à quelques kilomètres de là. Cela ne respectait pas ma règle sine qua non de ne jamais déroger du grand chemin... mais il avait 83 ans bien sonnés... Il y avait peu à craindre. Et c'était la veille de Noël, visiblement il se sentait très seul. J'acceptai. Alors qu'il faisait nuit d'encre, pendant plus de vingt minutes, on traversa des chemins tortueux et ascendants car nous étions maintenant en montagne. Puis, un long chemin raboteux où il n'y avait de passage que pour une voiture, les arbres étant recourbés très bas, lourds de neige, et soudain, on se retrouva sur un terrain plat et au bout, il y avait une petite maison de deux étages avec une grande galerie. Rien d'autre autour sinon des bois, de grands espaces. Je l'aidai à descendre ses sacs. Il me fit entrer chez lui. Tout était minuscule, de petites pièces, avec des murs pas plus épais que du carton. Il avait tout fait lui-même de ses mains. Il était veuf. La plus grande chambre avait été celle de sa femme. Il n'avait touché à rien et n'y dormait plus depuis sa mort. Puis il ouvrit une autre porte, et me pointa un grabat de coton comme dans l'armée: «Mon lit». Cette pièce avait deux autres éléments surprenants: un "Baby Grand" - un petit piano à queue qu'il avait fait entrer alors que tous les murs de la maison n'avaient pas été levés - et une haute bibliothèque tellement débordante de livres de musique... qu'à ses pieds elle semblait régurgiter des piles et des piles de notes et d'exemplaires classiques. Comme pour les glaïeuls, je fus stupéfaite car la musique pour moi, celle que je peux lire, peut-être parce que je n'ai pas de mémoire, est très importante, plus qu'une collection de disques. Il n'y avait aucun autre espace pour circuler dans la pièce entassée. Il me servit le thé et on sortit sur son balcon pour profiter du silence - impossible de bien voir ce qu'il y avait autour malgré la pleine lune car tout semblait inondé de lumière blanche. Nous nous trouvions sur le toit d'une région sauvage - aucun signe d'êtres vivants à moins de trois ou quatre kilomètres... Puis, il me reconduit à ma destination, tous deux reconnaissant à l'autre, lui de la compagnie, moi de tant de joies simples. On maintint contact. L'été suivant, il m'invita lorsque les glaïeuls étaient en fleur dans son jardin. Son domaine était grandiose et sauvage. Lui et sa femme avaient semés des bleuets à main dans tout un champ. Des bosquets de glaïeuls poussaient près de la maison gardant le verger de pommiers. Derrière la maison, un ruisseau descendait la montagne avec fracas, et devant une falaise révélait une vallée marécageuse, bleue tant elle était verte, où seul une faune sauvage avait mis les pieds et le reste... que de la forêt... son domaine... Les arts, les fleurs et la musique. Il ouvrit sa fenêtre de chambre, entreprit un prélude romantique alors que je me tenais debout au milieu du jardin sous les chauds rayons du soleil. Car, jeune homme, il avait été pianiste de concert après avoir échappé au train des allemands. Et nous étions là, au paradis, moment gravé à jamais dans ma mémoire : ouvert, aéré, relax, luxe minimaliste et cultivé...

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