jeudi 4 décembre 2008

FERGUSON, Max

Max Ferguson est né à New York en 1959. Il a grandi au sein d'une famille religieuse au milieu du quartier fortement juif de Woodmere à Long Island. Il fut un artiste précoce: à douze ans, il créait déjà des films animés. À dix-neuf ans, il se rendit à Amsterdam pour étudier l'animation, mais il se retrouva plutôt à passer beaucoup de temps au Rijksmuseum. Sa peinture réaliste est accomplie avec acharnement et capture sur le vif des scènes de la vie citadine newyorkaise en voie de disparition. Au-delà de la stricte urbanité, ce sont les personnes qui jouent le rôle-clef dans ses toiles. La solitude et l'inactivité n'est pas mieux rendue que dans un coin privé d'une ville populeuse et animée qui ne dort jamais. Le fait que cela soit chose fréquente est plus ironique encore. Ses tableaux ont une valeur intemporelle et sont très élégants.

Time ou Temps rappelle une époque bien particulière de ma vie où je jouais mon avenir dans diverses avenues: chef de famille monoparentale, éducation alternative de ma fille, travail et réseautage professionnel, cause politique du droit de la famille et des enfants, fréquentations amicales multiculturelles, recherche d'un partenaire... et santé fragile. Je semblais toujours manquer de temps. J'étais lectrice de manuscrit pour Alain Stanké, qui m'accordait une opportunité inouïe d'apprentissage. Après quelques exemples de mes rapports de lecture, il était intrigué de ce que je penserais de son propre manuscrit. J'ai accepté avec la mort dans l'âme... Apprécierait-il mon ton incisif et... coloré avec autant de grâce si c'est son oeuvre à lui qui se retrouve sous le couperet? Je dois dire que c'est la seule fois de ma vie où je l'ai entendu élever la voix. Nous avons néanmoins maintenu des rapports chaleureux pendant des années sans trace de cette épisode. Un jour, je reçois une invitation à un lancement du nouveau livre Conte à régler avec le temps d'Alain Stanké. Publication du manuscrit lu jadis. Mi-figue, mi-raisin. C'est de retour chez moi, en tremblant, que j'ai lu ce court roman qui se passe principalement dans le vestibule d'une boutique d'horloger. Et c'est émue que j'ai pu apprécier les changements suggérés qui portaient le sceau indéniable de l'auteur. Il avait la cinquantaine dans ce temps-là, j'ai la cinquantaine aujourd'hui. Le temps paraît encore plus immuable qu'avant.

FAVRETTO, Marisa

Marisa Favretto, née à Seward en Alaska aux États-Unis en 1974, vit et travaille à Berlin en Allemagne. En 1994-95, elle étudia la peinture et le dessin à l'École Lorenzo de Medici et à The British Art Institute of Florence en Italie. Elle obtint son Baccalauréat en Arts de l'Université d'Oregon à Eugene en Oregon aux États-Unis et sa Maîtrise en Arts du Goldsmith College de l'Université de Londres en Angleterre. Marisa Favretto explore la présence animale dans nos vies, les divers rapports sociaux qui nous lient à eux, les liens identitaires que l'on tisse grâce à leur présence et démontre l'impossibilité de rapports égaux entre l'homme et l'animal. C'est toute la part de la transposition, de l'investissement psychologique et culturel des humains dans l'apparence, la forme et la personnalité d'un animal qu'elle met en place. C'est une expression particulière de l'animal, celle qui regarde ailleurs, au loin, qui révèle l'animal dans sa nature propre, indépendamment de ce qui semble signifiant pour un maître. Sous des traits à peine esquissés, effacés, et apparaissant indépendants cette fois de tout joug, dans leur autonomie d'entité vivante, que nous les apercevons. Ceci fait monter une émotion nouvelle et sans fard: un sentiment d'inaliénabilité.

Ce propos m'intéresse grandement. J'ai deux chattes de quinze ans. Habituées à vaquer librement à l'intérieur comme à l'extérieur, indépendantes, elles font partie de ma famille. La tolérance domestique doit être contenue dans le fait de ne pas diminuer la valeur du mobilier, de ne pas laisser de traces matérielles et odorantes, ne pas se tenir dans nos jambes afin d'éviter des accidents, ne pas terrasser le garde-manger, ni les bibelots, ni les plantes mais hormis cela, elle sont libres d'exister, de se manifester. Je me suis confortée longtemps dans cette idée-là. Ce n'est que récemment que j'observe que c'est le fait qu'elles obéissent que je les crois infuses de savoir adéquat. Mais en fait, j'ai contribué à leur ignorance et leur vulnérabilité en dénaturant leur instinct de protection, de chasse, de territoire... Mon ingérence pourrait signifier bien des souffrances et une inhabileté à interpréter justement leur état... Antoine de Saint-Exupéry dans Le Petit Prince ne disait-il pas: « Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé.»

FAHZI, Zhang

Zhang Fazhi, né en 1976, à l'instar de la jeune génération d'artistes chinois, est inspiré par le mouvement Pop Art des années '80. Alors que la majorité s'intéresse à la décadence des valeurs de la vie urbaine, quelques uns s'intéressent comme Zhang aux questions politiques dans leur travail. De facture réaliste, il intègre le style socialiste-réaliste soviétique afin d'exprimer efficacement comment l'ascendance du communisme, en tant que religion politique, est responsable de l'absence d'histoires individuelles chez ses compatriotes. Il exprime comment la Chine se retrouve ainsi déshéritée de mémoire collective. Il explore le sens, la perception et l'explosion des différences individuelles dans la Chine actuelle avec l'influence du communisme en toile de fond. Ses toiles de grande dimensions où figurent des fraises pourrissantes, des condoms usés et des maquettes d'opéra, se vendent déjà à haut prix et le fait pressentir comme étant de l'avant-garde contemporaine chinoise. Il a exposé en Chine, en Europe (Espagne, Italie, Suisse...) et aux États-Unis.

Dans la toile ci-dessous, il utilise différents personnages, tous affublés de son autoportrait, portant les habits aux couleurs de l'armée révolutionnaire - rouge. Ce qui ressort est un sentiment difficile, malaisé, impuissant: d'abord parce qu'il a été difficile d'adhérer, d'incarner ce qui était attendu du Parti: que chacun soit un héros fort, fier, droit et redevable au bien social, en cela identique à son voisin, puis, aussi difficile de transgresser la tradition, de se 'libérer" du dogme, de devenir un individu unique dans un libéralisme croissant et un passé manquant. On voit ici un vide, une errance, une absence, une désorientation... Imagerie fort efficace. Et sur une note moins sérieuse, cette toile me rappelle un jeu de mes vacances d'enfant... où il fallait réussir à frapper la marmotte qui se pointait le nez d'un de ses trous sur un quadrilatère de neuf trous avec un gros bâton... un jeu mécanique, pas sur de vraies marmottes... mais un jeu d'habileté et de vitesse de l'oeil et de la réaction associée qui, plus tard, a trouvé sa version électronique...

EYRE, Ivan Kenneth


Ivan Eyre est né en 1935 à Tullymet, Saskatchewan et vit couramment à Winnipeg au Manitoba. Après des études collégiales et universitaires à Saskatoon, où il étudia sous Ernest Lindner et Eli Bornstein respectivement, il eut de nombreux professeurs à l'Université du Manitoba dont il gradua en 1957. Il étudia par la suite à l'Université du North Dakota à Grand Forks où il enseigna. Il revint au Canada et devint professeur de peinture et de dessin à l'Université du Manitoba jusqu'à sa retraite en 1993. Son travail relève plus du symbolisme, tiré de réactions et souvenirs subjectifs, que de l'approche réaliste-impressionniste, qui demande au peintre une observation objective de son sujet. Hormis la peinture, il est connu pour ses oeuvres en graphite, ses études au crayon et ses sculptures sur bois. Yvan Eyre a reçut plusieurs prix et mentions, a fait l'objet de plusieurs livres et films. De 1962 à ce jour, il a exposé seul et en groupe, et ses oeuvres figurent dans de nombreuses collections canadiennes et internationales. La galerie Pavillon de Winnipeg au Manitoba présente la plus grande collection permanent des ses oeuvres: 170 toiles et 5000 dessins.

Un matin d'automne brumeux et nuageux... qui augure le froid de l'hiver... Combien de fois ai-je traversé de longues distances pour voir défiler ce paysage qui m'indique bien que je suis chez moi.

ENGELEN, Leon

Leon Engelen est né en 1943 à Bree et vit présentement à Alken en Belgique. Après des années d'études, il commence à peindre sur de la toile à craie, une vieille méthode qui n'est plus utilisée depuis plus de cent ans: il tire le lin de ses toiles lui-même et applique l'huile sur la craie qui l'absorbe instantanément lui permettant une seconde application immédiate de peinture. Sa première couche est toujours le négatif du portrait final. De facture réaliste, Leon envisage tout ce qu'il observe comme une toile. Lorsqu'il peint, il prend le paysage tel quel et y ajoute les éléments qu'il aimerait y voir. Les paysages et les animaux de fermettes de son enfance, il les peint selon la méthode des siècles passés. Comme il n'y a plus de communauté qui pratique cette forme de peinture, il doit se débrouiller seul. Son travail, par le fait même, le rend unique et exclusif. Le soin particulier qu'il apporte à la dépiction des briques et des tuiles, qui n'était pas l'usage dans le passé, actualise son sujet.

Cette facture des siècles passés m'a rappelé la qualité de mes premières bandes dessinées, que ma titulaire des cours de diction, Madame Audet, me prêtait pour faciliter mon apprentissage de la lecture. J'étais bambine. Ma ville, agricole. Vieille bourgeoisie. Home.



EDMONDSON, Daniel

Daniel Edmondson vit, peint et enseigne la peinture en studio à Fort Collins au Colorado. Il a reçu une formation classique réaliste en peinture dans différentes villes: Chicago, Illinois; Boulder, Colorado; Taos au Nouveau Mexique; Scottsdale en Arizona. Son fondement est réaliste mais avec une touche d'impressionnisme. Ses thèmes sont contemporains et son pinceau fort expressif. Il obtient avec brio un juste équilibre de lumière et d'ombres avec des nuances riches et colorées. On sent bien l'équilibre et le mouvement dans ses tableaux.

La tridimensionalité de ce bouquet tout en impression, par touches charnues d'huile, évoque la délicatesse et la plénitude des pétales de fleurs, la fraîcheur du feuillage, qui sont gorgées de vie et de parfum. Ici c'est la texture qui défini la profondeur. Un coup de coeur.

ECHEVARRIA, Giosvany

Giosvany Echevarría, peintre cubain contemporain, est né le 8 mars 1971 dans la municipalité de Viñales, Pinar del Río, Cuba. De 1983 à 1986, il étudia à la Provincial School of Visual Arts. En 1987, il reçut une reconnaissance au 2e Salon de l'hiver. En 1990, il gradua en tant que professeur de gravure, de peinture et de dessin de la National School of Fine Arts de la Havane. En 1999, il reçut une nouvelle reconnaissance au Salon 14 décembre. Ce jeune homme peint des paysages de l'île de Cuba, saisissant les plans escarpés, les palmiers majestueux, mais surtout captant la lumière très particulière du 22ième parallèle nord. Outre à Cuba, ses travaux sont exposés aux États-Unis. Il est représenté exclusivement par Cerruda Arte de Coral Gables en Floride, États-Unis.

Dorado Amenecer ou Aube dorée indique bien l'intention du jeune peintre: rendre la lumière du soleil levant sur sa terre natale. On semble sentir une certaine fraîcheur matinale et par les évaporations de la terre, un réchauffement qui s'anime. On sent les ombres de la nuit perdre du terrain au soleil et la végétation dorée se faire irradier de nouveau. Et le reflet du ciel dans l'eau... donne une profondeur et une richesse bien particulière à la scène... Et bien que ce soit la lumière qui soit en vedette ici, les nuances dans l'ombre sont achevées avec tant d'équilibre qu'elles ne se font pas remarquées immédiatement...

DUMAS, Marlene

Marlene Dumas est née à Cape Town en Afrique du Sud en 1953. Après ses études au Michaelis School of Fine Art au Cape Town University, elle emménagea en 1976 à Amsterdam pour étudier la psychologie à l'Université locale. Amsterdam est devenu son havre et elle y travaille toujours. Ce qui démarque Marlene Dumas est son propos. Ses tableaux sont visuellement simples, dépouillés, presque délavés, quasi paresseux avec une touche de couleur ici ou là, alors qu'ils sont excessifs dans leur propos. Ses pièces sont principalement des dessins, des aquarelles des figures et des portraits de personnes aux prises avec de fortes émotions ou provoquant au spectateur de vives ambiguïtés. Ils se veulent des commentaires sur le rôle des femmes, de la maternité, de la sexualité, de la guerre, de la mort. Son coup de pinceau porte son message de manière directe et intimiste, avec sensualité. Cette femme effervescente produit des thèmes qui sont relativement sombres, riches de sens.

Le tableau choisi s'intitule La mort de l'auteur. D'abord, cela aurait pu être quelqu'un qui dort. Puis, on sait que nous somme en présence de la mort. Mais, ce n'est pas n'importe quel mort. C'est celle d'un auteur. Cela rend encore plus vrai, plus réel, plus tangible, le fait que la voix de l'homme ne se fera plus jamais entendre par sa plume. Plus jamais de prose. Plus jamais d'idées couchées sur le papier. Un vide effarant. Le silence. Il nous est soudainement impossible de juste garder notre distance avec... la mort. Ce n'est plus un concept, c'est la difficile perte. Cela nous pousse à entrevoir notre propre fin... Aussi douloureux soit-il... Est-ce qu'une qualité différente de son coup de pinceau aurait altéré, amélioré, diminué ce message?



DUEZ, Ernest Ange

Ernest Ange Duez est né le 8 mars 1843 à Paris. Tôt dans la vie, il fut contraint de se plier aux attentes de sa famille d'entrer dans le commerce de la soie. Au bout de trois ans, à l'âge de vingt-sept ans, il ne pu renier son désir de devenir peintre. Il suivit une formation dans les ateliers parisiens d'Isidore-Alexandre-Augustin Pils, un peintre réaliste connu et de Charles-Auguste-Émile Durand dit «Carolus». De l'antre du second est sorti des jeunes talents tels les américains John Singer Sargent et James McNeill Whistler. Au début de sa carrière, il donna dans le style naturaliste. Il peignait simplement les gens qu'il rencontrait tous les jours, les plaçant dans leur propre milieu. C'était nouveau et moderne. Puis, au balbutiement du mouvement impressionniste, il se clama influencé par le travail de Manet quoique sa facture en diffère grandement, étant plus léchée. Plutôt qu'obéir à une théorie du traitement de la lumière et de l'atmosphère, chaque oeuvre de Duez est clairement inspirée par ses propres sentiments. Ses thèmes reflètent sa fidélité à la côte Normande où il emménagea à Villerville entre Trouville et Honfleur, France. Il s'y construisît un studio vitré afin de peindre ses modèles avec la lumière du jour. Villerville est un endroit dont les artistes sont toujours friands aujourd'hui. De tempérament anxieux, il investît ses énergies dans la pro-activité et en dehors du circuit des salons, fît la promotion de l'art au-delà des principes sévères de l'école des Beaux-arts auprès de la jeune avant-garde. Des panneaux décoratifs et du dessin textile lui sont aussi attribués. Il est mort accidentellement d'un hémorragie lors d'une promenade à vélo le 5 avril 1896.

Cette scène est ceinte d'une lumière intimiste alors même que nous sommes au grand air par un jour pluvieux. La dame est chic, mais porte des vêtements qui ont du vécu et un chapeau coquet pour la mer. Elle semble jouir du grand air, du vent sur son visage, dans une posture appuyée contre le balastre, sise entre confort et malaise, pour se laisser bercer par le bateau qui tangue, lunettes d'approche à la main. Est-ce l'insécurité de la dame à être sur l'eau qui paraît dans son visage à elle? Est-ce tout le sentiment de celui qui peint qui est exprimé ici, car au-delà de la lumière, elle paraît aimée...? Troublante, cette scène, par ce qu'elle contient d'universel.