lundi 8 décembre 2008

TOSHIO, Saeki "SHUNKO"

Saeki Shunko est né en 1909. Il déménagea dans la capitale de Tokyo en 1924 et étudia sous Tsukuhara Reizan. Il se spécialisa dans le design de tissus textiles. Il fut employé par Shirokiya, un magasin de grande surface où ses designs furent remarqués pour leur innovation et modernisme. Détenteur de nombreux prix de design, en 1929, il fait la connaissance du peintre Ito Shinsui qui l'encouragea à peindre. Il se joignit à son groupe de travail formé de ses étudiants. En 1936, deux de ses toiles sont acceptées pour l'Exposition d'art Impériale, et continua avec les expositions nationales Shin-Bunten. Après la guerre, la plupart de ses tableaux furent acquis par le Musée Meguro Gajoen. Cette pièce particulière fut acquise par Kagedo en 2003. On y voit une femme à la mode se vêtant pour sortir. Elle n'est plus la jeune beauté d'autrefois, avec sa pleine figure, mais elle présente une certaine prestance et son regard tend vers son sac à main rouge et un autre obi ou ceinture de kimono.

Ce tableau de 1935 est d'une actualité renversante et semble beaucoup plus récent. Pour mes cinq ans, j'ai reçu des poupées japonaises en bois. Elles étaient délicates avec de grands chapeaux, deux traits noirs en guise d'yeux bridés et des vêtements de soie tissés de fil d'or dotés de obis. Il m'était mortellement défendu de les manipuler. Elles devaient être une parure luxueuse sur mon bureau à tiroirs. Tous les jours, je les approchais religieusement en retenant mon souffle en avançant ma main avec une grande délicatesse de peur de les écraser. Ma mère avait tellement bien ancré la peur de les briser que malgré moi je me retenais de les manipuler. Mais je ne pouvais m'empêcher de les admirer chaque jour. Un jour une petite fille dont la mère était pauvre et malade vint passer quelques heures chez nous. La première chose qu'elle fît une fois dans ma chambre fut de prendre les poupées. En deux secondes, elle déchira la soie sur l'une d'elle. Je fis l'impensable. Je lui rentrai mes griffes en plein visage sans colère et refusa de lâcher prise. Ma mère me punit pour avoir attaquer et blesser la petite fille et lorsque je lui fis remarquer qu'elle avait brisé la poupée, elle me répondit: «Ce n'est pas grave.» Clairement, je ne lui ai jamais pardonné cette inconséquence. Alors même que cette toile fait resurgir ce souvenir, ce qui est étrange c'est combien le sujet même de cette toile ne semble rien à voir en soi... Alors, pourquoi cette toile plutôt qu'une autre? Le geste de nouer le obi comporte un rituel, qui comme la préparation rituelle du thé est composé de gestes mesurés et dédiés... Si la fraîcheur de l'âge se perd, la dignité de cette gestuelle experte reflète une beauté mature. Il lui reste au moins cela. Ce jour-là, je savais que ma mère avait fauté de manière plus grave que moi. J'aimerais penser que c'est en silence, à gestes mesurés que je me comportai. Mais j'eû plutôt une crise de colère et de larmes à faire trembler la terre qui dura des heures. Je trouvai le silence par épuisement, en hoquetant jusque dans un sommeil troublé, inconsolable. So much pour la dignité.

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